Restrictions, limites et dérives du DPE
“Les calculs sont pas bon Kevin”
Le DPE (Diagnostic de performance énergétique) est obligatoire depuis 2006 et fut enrichi avec la loi Climat et Résilience en 2021. Son but est d’identifier les passoires thermiques, autrement dit les logements énergivores, grâce à une étiquette énergétique allant de A à G. La loi Climat et Résilience répond à différents enjeux environnementaux. Notamment, à un des objectifs définis pendant les Accords de Paris et signé par l’Union Européenne, qui est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. L’un des points d’attaques des gouvernements sont les logements. Le DPE est un outil qui permet aux propriétaires ou locataires de jauger les consommations énergétiques d’un domicile. Ce diagnostic apporte aussi une valeur verte, c’est-à-dire une plus value sur la valeur marchande du logement. Il a donc un impact sur les prix de vente et de location en fonction de l’étiquette attribuée. De plus, pour les loueurs l’enjeu est de taille puisque si votre DPE indique une étiquette entre E et G vous devez réaliser des travaux de rénovation énergétique. En effet, le gouvernement a défini un calendrier selon lequel il sera interdit de louer ce type de logement.
Défiance justifiée et mauvais calcul du gouvernement pour le nouveau DPE
Quel calcul pour le DPE :
En supprimant le calcul sur facture, une nouvelle méthode a pris place. Le calcul se fait en prenant en compte les caractéristiques de votre logement. Ce qui correspond à sa superficie, sa ventilation, son système de chauffage, les fenêtres, son isolation, les murs et matériaux qui constituent votre logement. Le diagnostiqueur doit être sûr de ce qu’il identifie puisque cela détermine le résultat final. Les données qu’il récupère sont enregistrées dans un algorithme qui se charge de calculer la note.
Diagnostiqueur privée et manque de formation
Le problème c’est que le nouveau DPE instauré après 2021 n’est pas si fiable qu’il prétend l’être. Vendu comme un outil nécessaire et qui justifie différents facteurs de vente, de location ou de rénovation énergétique pour votre logement. C’est en réalité compliqué pour beaucoup de propriétaires de s’y fier.
Dans un premier temps, les diagnostiqueurs sont formés pendant 3 à 5 jours sur le DPE. Ce sont des organismes privés qui proposent des formations accessibles à toutes et tous sans diplôme ou cursus d’étude particulier. Yannick Ainouche, président de la CDI-FNAIM, déplore lui-même un manque de contrôle de ces formations et un manque de technicité chez certains diagnostiqueurs.
Par ailleurs, différentes études ont prouvé qu’un DPE fait par différents diagnostiqueurs, pour un même logement à quelques jours d’intervalle, pouvait ne pas être le même. Daniel Masse s’est confié au journal Le Monde. Il a fait comparer les DPE réalisés dans sa copropriété et les diagnostiqueurs ne sont jamais d’accord sur les types de murs ou de fenêtres. Le DPE n’est donc pas le même. Le média Libération a fait le test avec deux diagnostiqueurs différents et le résultat n’était pas le même. De même pour 60 millions de consommateurs, qui ont mené une enquête bien plus large.
Un DPE trop uniforme et des bâtiments laissé pour compte
L’une des autres problématiques soulevée par les propriétaires et les professionnels de l’immobilier est que le DPE n’est pas adaptable et désavantage certains logements.
Un DPE qui pénalise les petites surfaces
Le président de l’UNPI (Union National des Propriétaires Immobiliers), Christophe Demerson a pris la parole chez Sud Radio pour dénoncer un DPE qui pénalise les petites surfaces.
La compacité thermique est un calcul qui additionne les surfaces déperditives pour ensuite diviser la somme par la surface habitable. Plus le résultat de ce calcul est petit, plus le DPE sera avantageux. Le problème est que les logements de petites surfaces équivalents ou inférieurs à 30m² sont souvent situés au rez-de-chaussé ou au dernier étage. Ils sont plus soumis à être connectés à des surfaces déperditives comme les ponts thermiques ou les combles. Le ratio du calcul présente plus de surface déperditive pour un petit logement qu’un appartement avec une plus grande surface habitable. Christophe Demerson explique aussi que cela pénalise les propriétaires de petites surfaces et que la valeur immobilière de ces biens est devenue inexistante avec une étiquette G ou F. Selon l’observatoire national de la rénovation énergétique, de type de logement classé G où F représente 24% du parc locatif.
De même que pour le calcul du ratio eau-sanitaire et surface habitable n’est pas équitable et pénalise les propriétaires.
Une des autres problématiques auxquelles font face les petits logements est l’isolation. Pour la majorité d’entre eux, effectuer une isolation par l’intérieur revient à perdre de la surface habitable et parfois ne permet pas de changer votre étiquette DPE.
Pour éviter de pénaliser les petites surfaces et permettre aux propriétaires de garder une valeur marchande sur leur bien, la chambre des diagnostiqueurs immobilier de la FNAIM et la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier veulent proposer une pondération adaptée aux petites surfaces. La mise en place d’un coefficient qui tient compte des spécificités des 30m² ou moins permettra de réduire les pénalités d’un DPE, qui est trop uniforme et pas assez adaptable.
Un DPE qui pénalise les bâtiments anciens
Les petites surfaces ne sont pas les seules pénalisées à tort par le nouveau DPE. Les bâtiments anciens, et plus particulièrement ceux qui datent d’avant 1948, représentent 65% des logements dit “passoir thermique” du parc locatif privé, selon les données du ministère de la transition écologique en janvier 2022.
Quelles problématiques ?
Ce DPE n’intègre pas la nature, les caractéristiques et les valeurs d’usage du bâtiment. Il y a aussi une idée préconçue qui consiste à dire que les bâtiments anciens consomment plus. Pour autant, le Centre d’Etude Techniques de l’Equipement (CETE) a démontré lors du projet BATAN que la consommation annuelle des bâtiments (construits avant 1948), atteignait environ 200 kw/m².ans contre 400 kw/m².ans pour des logements construits entre 1948-1975. Une consommation qui environne les 200 kw/m².ans est équivalente à une étiquette D. Le problème est que l’observatoire du DPE annonce que 60% des 850 000 logements anciens diagnostiqués durant le premier trimestre 2023 reçoivent une étiquette entre E ou G.
Les immeubles Haussmanniens sont particulièrement touchés par les diagnostics qui ne sont pas adaptés et où certaines rénovations ne sont pas possible sans détruire la façade historique, qui donne son charme à la capitale. Il en va de même pour les maisons à colombage.
Des acteurs mobilisés :
Les problématiques exposées par les différents acteurs de l’immobilier demandent la mise en place d’un nouveau DPE spécifique aux bâtiments anciens. D’ailleurs, des associations se sont réunies pour proposer un consensus et démontrer que le DPE met à mal ce type de bâtiment. Dans une tribune au journal Le Monde, Martin Malvy, ancien ministre du budget sous Mitterrand, s’accorde aussi sur le manque de fiabilité de ce diagnostic pour les anciens bâtiments. Selon sa tribune, il affirme qu’adapter le DPE pourrait permettre de sortir les bâtiments injustement classés F et G et concentrer la force de travail sur les bâtiments réellement considérés comme des passoires énergétiques.
Les acteurs se sont mobilisés pour alerter le gouvernement et prévenir de la destruction et de la disparition de bâtiments remplis d’histoire, puisque les rénovations énergétiques demandées ne s’adaptent pas aux usages et caractéristiques matériels de ceux-ci.
Pour aller plus loin : stratégie nationale et Européenne en faveur de la rénovation énergétique
Depuis 2006, le DPE a évolué dans le but de le rendre plus fiable et plus lisible. La méthode de calcul qui se faisait avant sur facture a été révolu pour un système qui dit prendre en compte plus de caractéristiques sur le logement. De plus, il indique les travaux spécifiques pour obtenir une meilleure étiquette énergétique.
Le DPE répond à des obligations imposées par les États membres de l’Union Européenne (UE). On parle ici de la Directive Européenne sur la Performance Énergétique (DPEB), celle-ci évolue depuis les années 2000 et le DPE doit pouvoir s’adapter à un objectif défini en 2021. Les nouveaux bâtiments doivent avoir une consommation d’énergie extrêmement basse voire quasi nulle. Pour cela, l’UE veut proposer deux nouvelles étiquettes.
A0 : ne demande aucune énergie ou une très faible quantité
A+ : bâtiment à émission nulle et qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme.
La distinction entre parc locatif et parc des propriétaires occupant sera supprimée pour 2028. Les propriétaires occupants d’un bien devront effectuer des travaux de rénovation énergétique sinon ils auront interdiction d’y habiter si ceux-ci sont classés comme des passoires thermiques.
De plus, les propriétaires de maisons (don, héritage ou vente) disposent de 5 ans à compter de l’acquisition pour effectuer des travaux de rénovation énergétique et ainsi s’aligner à une étiquette énergétique d’un minimum D.
L’UE veut développer et étendre l’installation de sources d’énergie renouvelable comme les panneaux photovoltaïque sous l’échéancier suivant.
Vers un DPE plus juste : Les points d’améliorations
Les dérives et problématiques entourant le DPE ainsi que les nouvelles réformes en matière de rénovation énergétique soulignent la complexité de la transition vers une société plus durable et plus économe en énergie. Bien qu’il ait été instauré pour informer les propriétaires et les locataires sur la performance énergétique des bâtiments, le DPE a souvent été critiqué pour son manque de fiabilité et de précision. La rénovation énergétique basée uniquement sur les recommandations du DPE peut parfois s’avérer compliquée voire destructrice pour des bâtiments architecturaux et historiques. Les réformes doivent donc être coordonnées entre les différents acteurs du secteur, les experts en énergies, les entreprises du bâtiment, les architectes ou encore les diagnostiqueurs pour mettre en place une politique cohérente qui ne laisse pas passer des inégalités de traitement et de calcul. Ces réformes doivent être accompagnées de mesures incitatives appropriées, telles que des subventions et des avantages fiscaux, pour encourager les propriétaires à investir dans des travaux de rénovation énergétique.
Le Diagnostic de Performance Énergétique présente plusieurs points d’amélioration potentiels pour renforcer son efficacité et son impact. Dans un premier temps, il est essentiel de garantir que les données utilisées pour calculer la consommation énergétique d’un bâtiment soient précises et actualisées. Ensuite il faut garantir que les diagnostiqueurs possèdent les compétences et l’expertise nécessaires pour réaliser des évaluations précises. Un système de certification et de formation plus rigoureux pourrait être mis en place pour assurer la qualité des évaluations. Le DPE doit prendre en compte les spécificités individuelles de chaque bâtiment pour fournir des résultats plus fiables. Des méthodologies d’évaluation plus sophistiquées et plus adaptées aux différents types de bâtiments pourraient être développées.
En mettant en œuvre ces améliorations, le DPE pourrait jouer un rôle plus efficace dans la transition énergétique des bâtiments, en encourageant les économies d’énergie et la réduction des émissions de carbone sans quoi l’objectif voulu par l’Union Européenne de décarbonisation des bâtiments ne pourra être atteint.